«Pays de merde» : 54 pays africains condamnent les propos «racistes» de Trump

Co-signataires d’un texte d’une rare sévérité à l’ONU, le Sénégal et le Botswana ont même convoqué les ambassadeurs américains.

 Donald Trump, le 12 janvier 2018, à la Maison Blanche, à Washington.
Donald Trump, le 12 janvier 2018, à la Maison Blanche, à Washington. Reuters / Joshua Roberts

    « Racistes », « abjects » et « blessants », les propos attribués à Donald Trump sur l'immigration en provenance de « pays de merde » ont provoqué un torrent d'indignation à travers le monde qui ne s'est pas arrêté pas dans la nuit de vendredi à samedi. Alors que le président américain a expliqué qu'il n'avait pas utilisé ces termes, l'Afrique entière a réclamé des excuses.

    D'une même voix, dans un langage d'une rare dureté, les 54 ambassadeurs du groupe africain à l'ONU ont exigé une « rétractation » au président américain, condamnant des « remarques scandaleuses, racistes et xénophobes ». Ils se sont dit préoccupés par la tendance « grandissante » de l'administration Trump « à dénigrer le continent, et les gens de couleur ». Le Sénégal et le Bostwana ont convoqué chacun l'ambassadeur américain.

    Le groupe affirme être « solidaire du peuple haïtien et des autres qui ont également été dénigrés » tout en remerciant « les Américains de toutes origines qui ont condamné ces remarques ». « Certains d'entre nous vont être rappelés samedi par leur capitale » en raison de la sévérité du texte, a lancé avec humour un ambassadeur après la réunion. « Pour une fois on est unis », a-t-il également souligné, sous couvert d'anonymat.

    La leçon de Joe Biden

    Le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés avait auparavant déploré des propos « racistes », « choquants et honteux ».

    L'Union africaine (UA) a qualifié pour sa part ces remarques de « blessantes » et « dérangeantes ». « C'est d'autant plus blessant compte tenu de la réalité historique du nombre d'Africains qui sont arrivés aux Etats-Unis comme esclaves », a déclaré Ebba Kalondo, porte-parole du président de la Commission de l'UA Moussa Faki. Mais l'Amérique, selon elle, est un « pays qui représente bien plus qu'un seul homme ou qu'une déclaration ».

    L'ancien vice-président démocrate Joe Biden a lui aussi donné de la voix. « Ce n'est pas comme cela qu'un président devrait parler et se comporter. Mais surtout, ce n'est pas comme cela qu'un président devrait penser ».

    « Un continent étincelant qui s'appelle l'Afrique »

    Le gouvernement haïtien a lui dénoncé des propos « odieux et abjects » qui, s'ils étaient avérés, seraient à tous égards « inacceptables car ils reflèteraient une vision simpliste et raciste ».

    En Amérique latine, le président vénézuélien, Nicolas Maduro, a appelé à la solidarité avec les pays « agressés » par Donald Trump. Cuba a de son côté « condamné fermement » des déclarations « racistes, dénigrantes et grossières ».

    L'Afrique « n'est pas un endroit de merde », a tweeté l'ancien champion du monde d'athlétisme Bernard Lagat, coureur de demi-fond naturalisé américain en 2004. « Je suis le fils d'un continent étincelant qui s'appelle l'Afrique, et j'en suis fier. Mon héritage est profondément ancré dans mes racines kényanes ».

    « Pas les mots utilisés »

    Exprimant leur mépris face au milliardaire devenu président, de nombreux Africains ont partagé sur des réseaux sociaux des photos de gratte-ciels ou de paysages magnifiques de leurs pays, accompagnées du hashtag #shithole (le mot anglais utilisé par Donald Trump).

    Comme souvent, c'est via Twitter que le président américain a réagi à cette nouvelle polémique, assurant que « le langage que j'ai utilisé lors de la réunion était dur mais ce ne sont pas les mots utilisés ».

    Quelques minutes plus tard, le sénateur démocrate Dick Durbin, présent lors de la réunion, assurait pourtant que le président avait bien utilisé « plusieurs fois » l'expression injurieuse. « Les mots utilisés par le président tels qu'ils m'ont été rapportés directement par ceux qui ont participé à la rencontre n'étaient pas "durs", ils étaient abjects et répugnants », a ajouté en écho le sénateur républicain Jeff Flake, un conservateur opposé à Donald Trump.